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16 juillet 2020

Au coeur de la crise - Interview de Cécilia, TLM Hôpital Saint-Antoine, AP-HP

Dans le cadre de la sortie notre magazine, le TechLabo.com, nous avons interviewé plusieurs TLM impliqués dans la crise COVID-19.

Témoignage de Cécilia, 27 ans.

Je travaille depuis 7 ans dans le laboratoire de virologie de Saint-Antoine. Dans un premier temps j’ai travaillé dans un laboratoire d’Anatomo- Pathologie 6 mois ½ puis dans un autre laboratoire de Virologie 6 mois ½ également avant d’intégrer Saint-Antoine.

Avez-vous été informée des modalités de la démarche de prise en charge du COVID-19 dans votre laboratoire et avez-vous été concertée pour la réalisation notamment technique ? Qui allait faire quoi, comment et dans quelles conditions ?

Oui on savait, on a été informé du comment le faire, on s’est organisé ensemble en fait. On est venu nous dire qu’il faut faire ça et on a suggéré nos idées.

Et vous avez été écouté ?

Oui, bien sûr. On nous a demandé du volontariat en nous disant on a besoin de tant de personnes pour faire ça, qui étaient volontaires, on s’est proposé puis on a proposé une certaine organisation, on a été écouté, voilà.

Quel a été votre implication donc dans cette prise en charge au laboratoire ?

J’étais volontaire pour m’occuper du COVID donc des PCR à la base. Tout le mois de mars on était très actif avec des aller-retours pour traiter, faire la lyse, donc le pré traitement des PCR COVID. C’était dur, c’était lourd, très lourd.

Avez-vous eu à vous déplacer sur d’autres sites ?

Non, moi je suis resté à Saint Antoine.

Quand vous précisez des aller-retours, c’était quoi, comment concrètement ?

Des aller-retours dans un autre bâtiment, celui de la bactériologie où se trouve l’unité P3 pour pouvoir techniquer le COVID qui ne se technique pas en dehors d’un P2 que l’on n’a pas, donc on travaillait dans un P3.

Si je comprends bien, le P3 pour effectuer la phase pré-analytique, et quel était le circuit du prélèvement par la suite ?

En fait, les prélèvements arrivaient chez nous en virologie, on les enregistrait par série de 23 et une fois que l’on avait une série de 23 ou un peu plus pour un circuit plus fluide, on partait dans le P3 après s’être changé et revêtu un pyjama jetable, on partait dans le P3 pour encore mettre une tenue par-dessus et ensuite on techniquait. Ce qui prenait pour ma part pour faire 23 patients environ 1h30 à 2h en fonction de la nature des prélèvements soit que des écouvillons ou si on avait des LBA, des naso-pharingés ou des aspirations bronchiques. Donc en fonction du type de prélèvement c’était plus ou moins long. Une fois les 23 patients fais, nous avions une boite pour la sérothéque qui partait à Trousseau et une autre boite contenant les prélèvements lysés, c’était donc deux boites séparées et donc on revenait.

On s’était organisé avec les collègues pour qu’ils appellent un coursier externe au début puis ce fut un mixte coursier externe-coursier institutionnel. Coursier qui arrivait généralement ½ heure, ¾ heure après pour la course à Trousseau pour la PCR.

Comment avez-vous ressenti la charge de travail durant cette période qui je suppose vous a paru très longue ?

Ça allait de plus en plus en intensité. Les premières semaines ce qui étaient compliqués c’était de gérer les arrivée COVID et en même temps notre routine qui restait inchangée.

Après il y a eu le confinement, donc la routine a chuté et on avait presque plus que le COVID à s’occuper mais le COVID lui augmentait, il augmentait tous les jours jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à traiter les patients du jour, on accumulait un retard car le fait de n’avoir qu’une seule enceinte pour faire nos 23 patients, enfin nos séries que de 23 patients, c’était pas suffisant, c’est pour cela que pendant ce temps-là se mettait en place la suite qui se déroulerait sur Trousseau.

Quel était votre rythme de travail, toujours 5 jours sur 7 ou avez-vous changer les heures et jours d’ouverture ?

Alors, on nous annoncé dès les premiers jours d’arrivée du COVID que l’on allait ouvrir les samedis. Je me suis proposée pour le premier samedi, donc du coup j’ai travaillé du lundi au samedi. Après le week-end suivant il y avait encore une fois que le samedi, non il y a eu samedi et dimanche et là je me suis proposée encore une fois pour le samedi et le week-end d’après j’ai fait le dimanche.

Donc vous avez enchaîné samedi et dimanche sur 3 semaines ?

Oui sur 3 semaines, j’ai fait 3 week-end samedi ou dimanche.

La charge de travail qu’en était-il ?

Tellement intense que l’on était complètement paumé on ne savait plus quel jour on était. Je n’avais pas l’habitude de n’avoir qu’un week-end d’un jour et sur plusieurs week-ends consécutifs avec des horaires de fou.

On commençait avant 8h le matin et ne terminions pas avant 18h. Le cadre et la cheffe de département étaient à nos côtés, la main dans le cambouis comme nous même, allant même jusqu’à enregistrer ou récupérer les prélèvements en P3 ou coordonner les coursiers. Tout était bon pour un meilleur rendement et gagner du temps car Trousseau attendait et plus vite ils recevaient les prélèvements moins ils termineraient tard dans la soirée.

Avez-vous eu de l’aide de l’extérieur, d’autres collègues, d’autres services ?

Oui, il y a eu des collègues qui sont venus dans les premières semaines avant le confinement car vraiment routine plus COVID, on ne s’en sortait pas, on n’arrivait vraiment pas à faire front aux deux donc elles sont venues nous soutenir sur les paillasses qui étaient délaissées par cette nouvelle activité.

C’était donc 2 anciennes collègues car c’était plus pratique puisqu’elles étaient déjà formées, elles connaissaient plus ou moins le travail, on n’avait plus qu’à leur montrer les quelques nouveautés et vraiment quand elles sont arrivées on a ressenti nous, un vrai soulagement pour tout ce qui était routine et on pouvait vraiment s’investir dans tout ce qui était COVID puisque là l’enregistrement c’était très très lourd et après on a eu aussi un agent de l’UCORE qui est venu, il était détaché pour l’enregistrement du COVID mais il y avait une telle charge que l’on devait être deux à enregistrer, même parfois 3. Un qui enregistrait, un qui étiquetait, l’autre qui désachait ou qui préparait les sachets avec les numéros écrits, plusieurs petites choses comme ça chronophages.

Donc c’était un plus pour vous l’arrivée de ces collègues ou de ces agents ?

Nous n’avions eu que ces deux collègues et le premier agent qui est venu et avec qui on a mis en place un mode d’enregistrement où chacun avait une place bien définie. Lorsque le deuxième agent a pris le relai c’est là que l’activité est partie à Trousseau.

Les différents témoignages d’encouragement et de sympathies que l’on vous a adressés, vous soignants, comment les avez-vous ressentis, ont-ils boostés ou non votre implication ?

C’est vrai que ça fait plaisir effectivement mais après, dans les médias on dit les infirmières, les médecins, les techniciens de labo, on n’en parle pas. Même si on dit les soignants, je ne sais pas si on est vraiment considéré comme une catégorie de soignants. Pour moi, oui car sans nous il n’y a pas de diagnostic, on soigne quelque part, même si on n’est pas en contact direct avec le patient. Donc, chacun voyait, je pense s’il prenait les applaudissements pour lui. Moi personnellement, je les prenais pour moi, j’ai participé aussi.

Ça faisait plaisir le soir à 20 heures de voir les voisins à la fenêtre. De loin ça faisait une petite unité. Après, il y a toujours du plus et du moins.

J’ai cru comprendre que vous aviez eu quelques petits cadeaux, histoire de vous encourager ?

Ah oui ça fait plaisir ces petites attentions on a eu du gel hydro alcoolique par de grandes enseignes de la mode, des produits pour la peau, de la crème pour les mains, ça c’était vraiment bien car à se laver les mains régulièrement et d’y passer le gel hydro-alcoolique à longueur de journée nous avions les mains très abimées, dans un tel état avec des crevasses. On a eu des repas offerts et même des courses nous ont été données. Tout ça, c’est vraiment très touchant, ça aide, on se sent soutenu, voilà, on se dit bon on ne nous oublie pas.

Et l’attitude de vos parents, de vos proches, de vos amis, comment la décrieriez-vous sachant que vous êtes technicienne en virologie, en première ligne quoi ?

Mes parents m’appelaient « leur super girl », j’étais leur héroïne au front, qui était là. Par ce que dans ma famille tout le monde était confiné, j’étais la seule à continuer de travailler donc ils étaient là « vas-y Cécilia, on croit en toi, tu es notre super girl, notre héroïne, tout ça, tu es au combat de tout ». Donc mes parents avaient bien conscience du travail et de l’implication qu’on avait puisque je leur en parlais aussi. Après le reste de ma famille, ils n’ont pas forcément intégré que technicienne de laboratoire en virologie était concernée par le COVID et c’est quand ils m’ont demandé « alors ton confinement ça se passe bien ? » ben, je ne suis pas confinée, je travaille ! Ah bon ! oui, je travaille.

C’est encore par ce que dans les médias on ne parle que des infirmières et des médecins, on ne parle pas des autres. Après, c’est revenu les caissiers, les autres corps de métiers, mais au sein même du corps médical c’est vraiment aide-soignant, brancardiers, infirmiers et médecins, ces quatre catégories là dont on parle, les autres sont oubliées alors que tout le monde est vraiment important pour faire tourner un hôpital et tous ces gens prennent des risques en venant, prennent les transports, ils circulent quoi !

Donc pour vous la prise en charge a été bien faite ?

Je pense oui, on s’est vraiment bien investi, il n’y a pas eu de pinaillage qui fait quoi, de pas envie, vraiment dès qu’il a fallu y aller on y est allé quoi.

En matière de cohésion d’équipe, quel est votre ressenti ?

Au niveau des techniciens oui, on est très soudés, au niveau des biologistes, ils ne nous ont pas critiqué, les biologistes nous ont soutenu aussi mais c’est vrai qu’ils avaient moins conscience, en tout cas on avait l’impression qu’ils avaient moins conscience du travail que nous avons dû fournir. Ils ne se rendaient pas compte de l’épuisement que l’on a accumulé, que l’on a toujours, ils venaient nous demander des choses, des choses. On courait partout, enfin les biologistes n’avaient vraiment pas assez conscience de la charge de travail qu’on pouvait avoir en plus, toujours actuellement d’ailleurs.